C'est une porte en verre qui s'ouvre de façon automatique. À l'hôpital, service maternité. Et la femme s'applique à souffler comme on le lui a appris, une légère grimace déformant son visage.
Puis viennent les couleurs et les animaux.
Une frise de clowns saltimbanques orne le bas du mur. La caverne d'Ali Baba aux mille jouets et mille paillettes n'a de chambre que le nom. Ici réside un roi ou une princesse. La porte est bleu uni ou bien rose, c'est selon. Lisse et laquée, souvent pastel, elle crée un monde parfait qui n'existe pas, inventé de toutes pièces par des parents trop aimants.
Mais l'enfant grandit.
Des envies de se frotter à la vraie vie l'agitent. L'adolescent griffe un peu et gratte. Il découvre le côté pointu des choses, c'est la période piquante. Boucles d'oreilles et piercing au nombril, le jeune transperce à tout va. La porte de sa chambre n'y échappera pas. La voilà épinglée. Punaisée. D'un poster de star et d'un « interdit d'entrer ».
Pourtant elle survit.
Elle résiste. Évolue. Est repeinte en noir avec une tête de mort. Puis en rouge, tapissée de cartes postales du monde entier. Finit remplacée par une porte en verre opaque et coulissante, à la japonaise.
À l'extérieur, les portes se multiplient.
Elles se poussent en riant, les unes après les autres, voire plusieurs à la fois. Au gré des couloirs d'entreprise pour un stage, un job, un remplacement. Au gré des rencontres amoureuses, pour de petits studios sous les toits. Et les portes qui s'ouvrent sont parfois les mêmes qui claquent, dans les cris et les larmes. Certaines sont trop lourdes, étouffant le bruit des salles de concert. D'autres sont trop légères, valent à peine un rideau de soie dans une cabane sur la plage.
Ainsi va la vie.
Ainsi avances-tu, de porte en porte, petit pion rouge sur le grand jeu de l'oie.
Et certains soirs, ta main sur la poignée hésite et tremble un peu. Ton cœur en secret espère sans doute retrouver... l'odeur de la laque et la couleur pastel de ton enfance.
(© Virginie Mège - novembre 2012)