Dans ce temple à ciel ouvert, soudain se fait le silence. De bas en haut, serrés dans les gradins, les mortels se taisent. Sans se recueillir, ils retiennent leur souffle. Et
ce silence-là, blanc, épais, à trancher au couteau, est tellement
impressionnant qu'il faut déjà être un héros pour y résister.
Chaque
souffle retenu a le poids d'une enclume. Chaque respiration se charge
d'un espoir lourd, lourd comme une nation entière, la liesse d'un peuple
qui flotte en suspens, prête à éclater.
Tant
de silence sur les épaules... Mais l'athlète, le vrai, s'isole dans son
Olympie. Les dieux n'ont pas d'oreilles, c'est bien connu. Loin des
bravades devant la caméra, des milliers d'heures de souffrances,
d'efforts et d'entraînement se condensent dans l'air et se cristallisent
en de milliers de flocons de tension, invisibles à l’œil nu. Derrière
les objectifs, le fixent des millions de paires d'yeux, parmi lesquels
se trouvent peut-être, sans doute, les héros de demain. Et ils regardent
et jugent, invisibles à l’œil nu, tout aussi oppressants que le silence
qui s'est abattu.
Se
battre contre l'impalpable et l'éphémère, tel est le défi à relever.
Tenir. Il le faut. Tenir dans ce silence et ne plus l'écouter. Le hoquet
d'une mouche volant en haut des gradins serait même audible, si jamais
les mouches osaient encore voler.
Et
soudain c'est l'explosion, la libération des corps et des cris. Le coup
de feu a retenti. Il a lâché l'envol de l'athlète vers le bronze,
l'argent et l'or, vers le marbre ou la déception, l'anonymat ou la
gloire éternelle.
(© Virginie Mège, septembre 2012)