La jolie invitation n'avait trompé personne. Gustave avait donc mis une belle chemise blanche, toute propre et bien amidonnée au col, et Lisette avait enfilé sa plus jolie robe, celle qui virevolte à la moindre brise, en coton rouge à pois blancs. Ils s'étaient donné rendez-vous à la lisière de la forêt. Pour aller « au bord de l'eau », avait dit Gustave. Et en chemin, ils se tenaient à une distance raisonnable l'un de l'autre, lui les mains dans les poches, en homme viril que rien n'impressionne, elle en baissant chastement les yeux, un drôle de sourire aux lèvres.
Là
où le lac s'étend, à l'ombre des feuillages, ils avaient choisi un
petit endroit tranquille. Gustave avait parlé un peu. Du temps qui
était doux. De la jolie robe de Lisette, qui lui allait drôlement
bien. Puis plus rien. Et comme Lisette ne savait pas quoi dire non
plus, ils s'étaient souri tous deux et avaient regardé ensemble
l'eau du lac, belle et stagnante.
Une
minute passe. Puis deux. Puis dix.
Une
heure s'est maintenant écoulée et ils n'ont pas bougé. Comme
endormis par le paysage, hypnotisés par l'infime ressac de l'eau
contre la berge. Ils ont oublié. Ils ne savent plus où ils sont.
Ils ont oublié ce qu'ils étaient venus faire ici. Ils ne voient
plus que cette lumière douce et franche qui caresse leurs pupilles,
ils ne sentent plus que ce petit coin de paradis dans tous leurs
sens, ce bonheur diffus qui se montre à eux. Et qui est vrai, pur,
presque à portée de main.
Alors
enfin ils se regardent de nouveau. Ils n'ont pas échangé un seul
mot. Ni un baiser. Ni un frôlement des doigts, la moindre caresse.
Mais ce moment de silence, cet instant de douceur qu'ils ont partagé
ensemble, scellera peut-être leurs deux vies à jamais. Et ils se
sourient tranquillement. Avec dans les yeux, des éclats d'eau
stagnante qui brille au soleil.
(©
Virginie Mège, Octobre 2012)
